ÉCONOMIE
DÉCRYPTAGE | L’industrie constitue un acteur majeur de l’économie des Pays de la Loire comme le rapportent notamment la diversité des activités qu’elle représente, le nombre d’emplois qu’elle rassemble à elle seule (près de 263 000 actifs) et sa part dans la valeur ajoutée régionale (17,4 %).[REF] Cependant, à la place prédominante qu’elle occupe dans l’économie ligérienne correspond aussi une contribution significative à l’empreinte carbone de la région.
I - Une économie dynamique, diversifiée mais exposée
Projetée dans le temps, c’est avant tout la sensibilité climatique de l’économie ligérienne qui ressort.
Avec un produit intérieur brut (PIB) de 116 milliards d’euros en 2020 soit 30 258 euros par habitant[REF], les Pays de la Loire affichent des performances économiques remarquables qui placent la région au quatrième rang national derrière l’Île-de-France, Auvergne–Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. De la même façon, son taux de croissance depuis longtemps supérieur à la moyenne nationale vient refléter l’essor économique soutenu du territoire. Enfin, à cette dynamique correspond aussi celle de l’emploi qui a augmenté de 6,1 % entre 2015 et 2020[REF] pour seulement 3,3 % en France métropolitaine. Ces performances économiques s’accompagnent cependant d’une empreinte écologique légèrement supérieure à celle de la moyenne française.
Bien que le secteur des services soit celui qui connaît le plus grand essor et que celui de l’agriculture y garde une place importante, la région n’en conserve pas moins sa vocation industrielle puisqu’avec 16,2 % des emplois, le secteur secondaire conserve la part la plus élevée des régions françaises.[REF] Connus pour leurs activités traditionnelles comme la métallurgie, la construction navale, l’agroalimentaire ou l’aéronautique, les Pays de la Loire le sont aussi pour la diversité de leurs filières : végétal, menuiserie, nautisme, machines agricoles, maroquinerie, logistique, etc. Pour sa part, le secteur de la construction et de la rénovation, qui bénéficie de la dynamique démographique ligérienne et de l’essor de l’habitat littoral, affiche une activité importante dans la région où il représente 6,8 % des emplois. À son tour, le secteur tertiaire — marchand et non marchand — qui représente 73 % de la valeur ajoutée générée dans les Pays de la Loire, y constitue le premier contributeur à la croissance économique.[REF]
Quand on l’étudie d’un point de vue géographique, la répartition de l’activité économique ligérienne se caractérise cette fois par la forte convergence des emplois, services et richesses autour des grands pôles urbains régionaux (Nantes–Saint-Nazaire, Angers et Le Mans), mais aussi vers les littoraux où de nombreuses activités spécifiques sont concentrées telles que la pêche, l’aquaculture, la saliculture, la construction navale, le nautisme, le transport maritime, le tourisme. Enfin, si l’on projette l’économie ligérienne sur la durée, c’est avant tout sa sensibilité particulière aux impacts des changements climatiques qui ressort.
Véritable emblème de l’industrie régionale, les chantiers navals de Saint-Nazaire risquent fort, par exemple, de ne pas pouvoir le rester puisque selon une étude de l’Agence européenne de l’environnement[REF], l’élévation du niveau de la mer les condamne à être régulièrement inondés à leur emplacement actuel. De la même façon, bien que l’attractivité touristique du littoral puisse d’abord progresser à la faveur de températures plus agréables sur les bords de l’Atlantique que dans les régions méridionales, elle pourrait ensuite se trouver dégradée par l’érosion des côtes et le retrait des plages qui, peu à peu, accentueront le déficit foncier face à la demande.
Au-delà de la frange atlantique, l’agriculture, la viticulture et l’élevage souffrent quant à eux d’une forte vulnérabilité aux variations de températures et de précipitations sur lesquelles s’appuie justement leur ancrage local et avec lui, celui de l’industrie agroalimentaire. Or celle-ci représente aujourd’hui un quart des emplois industriels. Dans tous les cas, c’est donc la capacité de la région à maîtriser les effets des changements climatiques et à s’y adapter qui lui permettra de rester un territoire accueillant pour ses habitants et leurs activités.
II - Une contribution majeure à l'économie régionale
L’industrie ligérienne se distingue par la diversité de ses activités, leur dispersion sur le territoire et l’importance de l’industrie manufacturière.
Des caractéristiques de l’industrie ligérienne, on retient d’abord la diversité de ses activités, leur dispersion sur le territoire et l’importance de l’industrie manufacturière. Or à ces spécificités correspond aussi un niveau d’emploi industriel particulièrement élevé dans la région : avec 16,1 % des actifs, soit 4 points de plus qu’à l’échelle nationale[REF], l’industrie ligérienne se situe en effet au premier rang des régions françaises en termes d’emplois.
À cette performance, on peut en ajouter une autre puisqu’à la faveur de l’essor de la construction navale, de la fabrication de matériels de transport et de biens d’équipement, l’industrie ligérienne continue de créer de l’emploi à un rythme plus soutenu que la moyenne en France (+ 1 % entre 2009 et 2018[REF]). C’est dans le secteur de la construction que la tendance est aujourd’hui la plus saillante puisqu’après avoir traversé une crise importante de 2010 à 2016, le secteur observe une hausse constante de ses effectifs (+ 1,8 % en 2020).
Pour sa part, le classement 2020 des industries des Pays de la Loire en fonction du nombre d’actifs fait aussi apparaître la part majeure occupée par le secteur de la construction qui, à lui seul, employait 91 300 personnes dans la région en 2020[REF] ; celle également prédominante du secteur agroalimentaire qui représentait alors 62 900 emplois[REF] pour plus de 1 000 établissements. Suivent ensuite dans le classement le sous-secteur des biens d’équipement, qui représentait 33 700 salariés en 2020[REF], celui des matériels de transport, dont les 342 établissements dans la région employaient 30 200 salariés[REF] la même année et, enfin, le secteur « Énergie, eau, déchets, cokéfaction et raffinage » qui, lui, rassemblait 17 100 salariés.[REF] Quant à l’industrie de l’habillement — filière historique à l’échelle de la région —, elle employait 12 179 personnes en 2020 réparties dans 223 établissements[REF], tandis que l’industrie navale, fortement concentrée en Loire-Atlantique, représentait 8 715 salariés pour 95 établissements.[REF]
À son tour, le classement des industries ligériennes en fonction de leur valeur ajoutée souligne la contribution majeure de la construction aéronautique et navale à l’économie régionale, tout comme l’industrie de la mode, le secteur de l’ameublement ou encore celui de l’énergie avec la présence, sur le territoire, de la centrale de Cordemais et de la raffinerie de Donges.[REF]
Globalement enfin, le secteur industriel de la région se distingue aussi par sa dispersion sur l’ensemble du territoire qui renvoie elle-même à la diversité de ses activités. Présent dans les cinq départements de la région et premier employeur dans 33 des 71 intercommunalités (EPCI) ligériennes, le secteur de l’agroalimentaire y est même parfois le seul comme dans certaines communautés de communes.[REF] Également présente sur la plus grande partie de la région, la métallurgie constitue quant à elle la deuxième activité industrielle du territoire et le premier employeur industriel dans 11 intercommunalités de la région.[REF]
Si les industries agroalimentaire et métallurgique sont déployées dans toute la région ou presque, on repère cependant aussi des territoires plus spécialisés. En termes d’effectifs salariés, l’industrie des matériels de transport est particulièrement développée à Nantes, à Saint-Nazaire et au Mans[REF], tandis que l’industrie du textile et de la mode, elle, est plus concentrée au niveau des Mauges[REF]. Et si c’est à Cholet que la filière du caoutchouc et du plastique s’est installée, c’est à Ancenis et Angers que la fabrication de machines est la plus présente.[REF]
III - Une empreinte carbone trop imprécise
La variété des secteurs et l’étalement des activités industrielles rendent le défi de l’atténuation particulièrement complexe à relever.
À l’importance des activités industrielles dans l’économie régionale et à leur dynamisme tendanciel correspondent bien logiquement des émissions de GES qui contribuent au réchauffement global et, avec lui, aux impacts des dérèglements climatiques sur les activités. Or la variété des secteurs et l’étalement géographique des activités industrielles rendent le défi de l’atténuation des émissions particulièrement complexe à relever pour les politiques publiques. À cette première difficulté s’en ajoutent alors deux autres.
La première renvoie à la difficulté de répartir les émissions régionales de GES d’origine industrielle par secteur. Car en plus du manque d’études sur le sujet, l’hétérogénéité des référentiels rend le travail de consolidation particulièrement complexe : tandis que certaines sources rassemblent dans une même catégorie les matériels de transport et les équipements électroniques ou électriques, d’autres les distinguent. Certaines associent les industries mécanique et électrique aux industries aéronautiques et navales, tout en les séparant de l’industrie automobile et des autres modes de transport terrestre. Dès lors, à défaut d’un recensement des consommations d’énergie et des émissions de GES pour l’ensemble des branches industrielles, il n’est possible ni de comparer les activités entre elles ni de présenter une vision complète et détaillée de la situation. Pour ce rapport, il a donc été décidé de retenir les données rassemblées par l’inventaire Basemis d’Air Pays de la Loire[REF] et de la compléter, à titre indicatif, par des données nationales. Ici, l’industrie regroupe donc les différentes branches de l’industrie manufacturière, le secteur de la construction et le traitement des déchets. Et si les secteurs de l’agroalimentaire, de la construction, des matériaux de construction et de la métallurgie sont détaillés, les autres filières, elles, se trouvent rassemblées dans la catégorie « industries diverses ».
La seconde difficulté, plus globale, ramène quant à elle à l’interprétation du recul de 46 % des émissions industrielles de GES observé à l’échelle nationale entre 1990 et 2019.[REF] Si l’on peut attribuer cette réduction aux efforts des différentes industries pour réduire leur impact (gains d’efficacité énergétique, recours à des combustibles moins carbonés, etc.), il est probable que d’autres facteurs y ont également contribué tels que la baisse de la production industrielle de certaines filières, leur reconversion dans des activités d’assemblage moins consommatrices d’énergie, ou encore la délocalisation d’activités polluantes. Il convient donc de rester prudent.
Globalement, on retient que l’industrie constitue la troisième source de GES à l’échelle de la région — derrière l’agriculture et le transport routier — et que ses émissions ont trois origines : la combustion fixe (les chaudières et fours de procédé), la combustion mobile (engins mobiles non routiers) et la décarbonatation et autres usages non énergétiques. Avec les industries diverses (activités variées, tissu industriel diffus…) qui représentent 47 % des rejets industriels de GES dans la région, les principaux secteurs émetteurs sont ceux des matériaux de construction (25 %), de l’agroalimentaire (13 %), de la construction (11 %) et de la métallurgie (4 %).[REF]
À elles seules, les émissions d’origine non énergétique représentent 52 % des rejets industriels de GES. Pour leur plus grande part — la moitié à l’échelle nationale —, elles émanent des processus de décarbonatation. Cependant, elles proviennent aussi de la synthèse de certains composants chimiques ; de la production d’acier, d’aluminium, de zinc et de magnésium ; de la fabrication de semi-conducteurs et de panneaux photovoltaïques ; de l’usage de certains solvants, aérosols et autres mousses d’isolation thermique ; des pertes d’hexafluorure de soufre (gaz isolant électrique) sur le réseau de transport d’électricité ; des fuites du réseau de gaz naturel.
Pour 48 %, les émissions industrielles régionales de GES sont donc d’origine énergétique et proviennent des process et de la combustion des activités industrielles. Au total, la consommation énergétique de l’industrie ligérienne représente 20 % de la consommation régionale totale en 2018. À elle seule, la filière agroalimentaire en absorbe 23 %, alors que la construction en consomme 18 %, les matériaux de construction 13 % et la métallurgie 7 %.
Globalement, les industries ligériennes privilégient le gaz naturel et l’électricité qui représentent respectivement 38 % et 35 % de la consommation énergétique industrielle totale et qui sont utilisées tant pour des usages thermiques que des procédés de production. Pour leur part, les produits pétroliers représentent 12 % de la consommation totale et la biomasse 6 %. Sur la durée, on retient d’ailleurs qu’en dépit de la progression de la consommation énergétique de la région (+ 4,7 % entre 2009 et 2018), les émissions de GES, elles, ont reculé de 8,7 % grâce, notamment, au basculement de la consommation énergétique vers des combustibles moins carbonés (gaz naturel, biomasse, etc.). Sur ce point cependant, deux départements se distinguent :
◆ Avec un recul de plus de 15 % de sa consommation d’énergie entre 2009 et 2018, la Sarthe fait en effet figure d’exception parmi les départements de la région dont la consommation d’énergie demeure plutôt stable sur la même période. Un recul que l’on peut associer, pour partie, à la baisse du nombre d’emplois industriels dans le département, qui, entre 2008 et 2014, s’est élevée en moyenne à 2 % par an.
◆ De la même façon, on remarque que la Mayenne est le département dont les émissions de GES sont les plus élevées à l’échelle de la région devant la Loire-Atlantique, la Vendée, le Maine-et-Loire et la Sarthe. Un écart qu’il convient d’associer à l’implantation de la cimenterie Lafarge-Holcim dans le département, mais aussi à son usage, important, de combustibles minéraux solides.
IV - Une mesure insuffisante des risques climatiques
Désormais, la pérennité d’une entreprise procède aussi de sa capacité à s’adapter rapidement aux changements climatiques et à ses conséquences.
Face aux changements climatiques, les entreprises du secteur industriel se trouvent exposées à plusieurs types de risques au même moment : des risques physiques et directs ; des risques déportés sur leur chaîne de valeur ; des risques d’approvisionnement ; des risques de productivité ; des risques réputationnels liés aux évolutions normatives et sociétales ; des risques financiers enfin, liés aux efforts d’atténuation et d’adaptation qu’elles doivent consentir.
Selon l’ONG Carbon Disclosure Project, les conséquences des changements climatiques dans le monde coûteront 1 260 milliards de dollars aux entreprises d’ici à 2026, dont 120 milliards d’euros au niveau des chaînes d’approvisionnement.[REF] Les secteurs les plus exposés sont l’industrie manufacturière, dont les pertes pourraient atteindre 64 milliards de dollars ; l’agriculture et l’agroalimentaire, qui pourraient perdre jusqu’à 17 milliards de dollars ; la production d’électricité pour laquelle les pertes sont estimées à 11 milliards de dollars.[REF]
Ainsi, il apparaît que la pérennité d’une entreprise procède désormais largement de sa capacité à s’adapter rapidement aux changements climatiques et à ses conséquences. Pour y parvenir, elle doit donc pouvoir identifier les conditions climatiques qui influencent son activité, mesurer sa propre exposition à leurs évolutions, en évaluer l’impact et les risques induits pour, finalement, mettre en place les transformations nécessaires pour améliorer sa résilience.
Si la hausse de la température d’ici à la fin du siècle se déclinera de façon différente d’une région à l’autre, les conditions limites de fonctionnement seront partout plus fréquemment atteintes, exposant de plus en plus souvent l’organisation du système à des périodes de stress, voire à des situations de crise. C’est pourquoi il est important pour la productivité, voire la pérennité, des entreprises qu’elles intègrent dès aujourd’hui les changements climatiques et ses conséquences dans leurs activités et leur modèle économique.
Parmi les nombreux risques avérés qui, dès aujourd’hui, fragilisent les infrastructures industrielles, on peut citer le phénomène de sécheresse qui, en intensifiant les problèmes de retrait-gonflement d’argile, peut altérer les fondations des bâtiments, ainsi que certains ouvrages routiers et ferroviaires. À leur tour, les températures extrêmes peuvent provoquer une dilatation des rails, voire une coupure électrique imposant d’interrompre le trafic.
À l’exposition accrue des entreprises aux conséquences des événements extrêmes qui peuvent endommager ou détruire les actifs de production sur le territoire ligérien, il faut ajouter ceux qui peuvent perturber leur chaîne logistique ou affecter un segment de la chaîne de valeur. Car le plus souvent, leurs approvisionnements en matières premières dépendent de régions du globe où les aléas climatiques peuvent compromettre la production ou l’acheminement des matières premières indispensables à l’activité de certaines industries régionales ou encore nuire au bon fonctionnement des infrastructures nécessaires à leur acheminement.
Stress thermique sur l’asphalte, torsion des rails, submersion de zones portuaires, affaissement des sols, inondation d’entrepôts, risque accru d’incendie[REF]: avec la progression des événements météorologiques extrêmes, c’est par exemple la fiabilité des infrastructures de stockage et de transport (routier, ferroviaire ou maritime) qui se trouve exposée partout sur la planète et avec elle, la sécurité de l’approvisionnement mondial et local en matières premières, intrants et composants industriels. Que des inondations interrompent le trafic ferroviaire en Belgique, et ce sont les approvisionnements en provenance des ports de Hollande qui se trouvent suspendus. Au total, le réassureur Swiss Re estime que les pertes financières annuelles moyennes liées aux catastrophes naturelles dans le monde se sont élevées à 190 milliards d’euros ces dix dernières années, avec une croissance de 5 % à 7 % par an.[REF]
Qu’elle soit utilisée pour l’extraction des minerais, pour le lavage des déchets ou pour leur évacuation ; qu’elle serve aussi au refroidissement des installations ou pour faire fonctionner les chaudières : l’eau est au cœur des processus industriels et de production d’énergie. Or à mesure que tempêtes, sécheresse et vagues de chaleur s’amplifieront avec les changements climatiques, les disponibilités en eau seront de plus en plus soumises aux aléas climatiques et à leurs impacts directs : recul des réserves d’eau naturelles sous l’effet de l’évaporation liée aux fortes chaleurs ; contamination et salinisation des zones humides, sources de filtrage naturelles ; détérioration des équipements de traitement ou d’acheminement de l’eau (bassins d’assainissement, canalisations, aqueducs).
Ainsi, en plus de leurs impacts sur les écosystèmes, l’agriculture et la santé, les modifications de l’état de l’eau et les perturbations de sa disponibilité exposent la production industrielle régionale à différents types de conséquences (refroidissement des machines, procédés chimiques de fabrication, production l’industrie agroalimentaire, entretien et nettoyage des installations, etc.), a fortiori quand elles sont implantées dans des zones exposées aux événements extrêmes (submersion, inondations…).
Or à ces impacts que les entreprises devront gérer sur le territoire il convient d’ajouter tous les autres risques liés à l’eau situés plus en amont sur les chaînes de valeur mondialisées, depuis l’extraction des minerais rares au polissage des écrans, de la production d’hydroélectricité à la fabrication de composants électroniques ou encore, de la production de cacao, papier et coton au nettoyage des puces électroniques. Qu’une sécheresse survienne par exemple à Taïwan et les entreprises ligériennes peuvent se trouver privées des composants électroniques dont elles ont besoin.
Enfin, dans la mesure où la demande énergétique d’origine industrielle continue de progresser et où la production d’énergie représente le secteur dont la consommation d’eau est la plus importante après l’agriculture, il est également possible que la pression sur l’eau induite par la croissance de la demande crée quelques conflits d’usage et se répercute à la fois sur la ressource, sur son prix et donc sur les coûts de production énergétique.
Aux risques physiques que les aléas météorologiques accrus font peser sur les entreprises viennent alors s’ajouter ceux qui pourraient dégrader les conditions de travail des salariés, notamment pendant les vagues de chaleur. Sachant que la température idéale pour travailler en intérieur est de 21,75 °C[REF], l’élévation des températures moyennes et, plus encore, la fréquence accrue des vagues de chaleur, exposent les entreprises à des pertes de productivité.
Bien logiquement, les métiers les plus intenses sur le plan physique sont les plus affectés. Dans le secteur de la construction par exemple, les pertes peuvent atteindre 30 % à 40 % lorsqu’il fait 30 °C et approcher les 100 % à une température de 40 °C.[REF] Cependant, les personnes travaillant dans les bureaux ne sont pas épargnées. On calcule ainsi que les pertes de productivité peuvent atteindre 6 % à 10 % par 30 °C et 12 % à 21 % par 35 °C.[REF] Surtout, au-delà de 28 °C pour un travail plus physique et de 30 °C pour une activité sédentaire, la chaleur expose les salariés à un risque de santé. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Code du travail français dispose que l’employeur est tenu d’éviter « les élévations exagérées de température » dans les locaux de l’entreprise, mais aussi qu’en cas de non-respect, susceptible de causer un « danger grave et imminent » pour le salarié, ce dernier peut faire valoir un droit de retrait.[REF]
En plus de la pénibilité physique qu’elles induisent, les vagues de chaleur répétées peuvent également être à l’origine de perturbations physiologiques directes qui viennent accentuer différents risques professionnels, mais aussi de troubles neuropsychologiques qualifiés de « baisses de la vigilance » chez les travailleurs qui, à leur tour, exposent à une augmentation de la fréquence de certains accidents professionnels.
Comme il engage les industriels à investir pour réduire leur empreinte carbone, mettre en place des stratégies d’adaptation, ajuster leurs activités aux nouvelles réglementations et limiter les conséquences d’événements climatiques défavorables, les changements climatiques exposent également les entreprises à différents risques de transition.
Le premier est réputationnel et renvoie à la contrainte, pour les entreprises, de s’approprier les changements que la lutte contre les émissions de GES introduit dans les lois, réglementations, normes, technologies, besoins et préférences clients. Déjà, les exemples se multiplient d’entreprises qui, ne respectant pas les réglementations environnementales nationales ou internationales, se trouvent confrontées à des décisions de justice, des sanctions financières ou encore à quelques campagnes de dénonciation sur la place publique, des difficultés de recrutement, voire à des refus de financement. On constate ainsi qu’une grande majorité des fonds d’investissement ou fonds de pension dirigent désormais leurs capitaux vers les entreprises dont la notation environnementale est élevée. Pour leur part, les banques sont tenues de mesurer le risque associé à leur portefeuille de prêts et d’investissements à travers le prisme de la notation environnementale. Enfin, on voit à présent émerger des prêts dont le coût évolue avec la notation environnementale.
À son tour, le risque de transition renvoie au coût financier que représentent pour les entreprises la transformation ou l’adaptation de leurs activités ou de leurs structures dans le but de réduire leur empreinte écologique, que ce soit en sortant des énergies fossiles, en diminuant leur consommation d’énergie, d’eau et d’autres ressources naturelles, en modifiant leurs sources d’approvisionnement, etc. Autrement dit, en modifiant leurs pratiques, leur appareil productif, leurs produits, voire leur modèle de développement. Cependant, elles peuvent se trouver alors confrontées à de nouveaux risques, eux-mêmes induits par la transition. Parmi d’autres exemples, on peut évoquer celui de la conversion aux énergies renouvelables dont on connaît la sensibilité aux variations météorologiques (vent, ensoleillement et précipitations), mais aussi à la disponibilité de certains minerais (lithium, néodyme, cobalt…).
Enfin, il convient d’évoquer ici le risque lié à la « variabilité climatique » qui amène à chiffrer ce que, dès aujourd’hui, l’inaction des entreprises coûte jour après jour, mois après mois, au fil de la variation des températures et des niveaux de précipitations. Moins visibles que les impacts des événements extrêmes sur les actifs des entreprises, les impacts de la variabilité climatique peuvent cependant se répercuter sur toute la chaîne de valeur et modifier les ventes, les coûts de production, l’approvisionnement, les marges, et plus généralement la solidité financière des firmes, plus particulièrement dans des secteurs tels que l’énergie, l’agroalimentaire, le tourisme, les transports, la vente au détail et la construction. Globalement, il ressort de plusieurs études[REF] que la variabilité climatique pourrait coûter 600 milliards d’euros à l’Europe en 2022 qui viennent s’ajouter aux 10,6 milliards d’euros de dommages que les événements extrêmes y ont représentés en 2020. Dans les Pays de la Loire, au vu de la contribution de la région au PIB national et de l’exposition moyenne aux risques liés aux aléas climatiques, on peut estimer que le coût financier de la variabilité climatique atteint déjà 9 milliards d’euros par an.