AMÉNAGEMENT

DÉCRYPTAGE | L’impact des changements climatiques en Pays de la Loire est, pour une grande partie, directement lié à la structure du territoire et à son aménagement.

I - Un élément clé de la planification territoriale

L’aménagement de la région constitue à la fois un déterminant de sa contribution à l’effet de serre et un indicateur de sa vulnérabilité aux changements climatiques.

Réputée pour la qualité de vie qu’elle offre à ses habitants (habitat dispersé, usine à la campagne) et néanmoins marquée par la polarisation des populations et des activités dans les grandes agglomérations et sur le littoral, l’organisation du territoire ligérien se distingue aussi par un niveau très élevé d’accaparement des sols naturels et agricoles au profit du développement urbain et routier. Ensemble, l’artificialisation des sols, le recul des espaces arborés et des haies, la construction de zones résidentielles pavillonnaires et les mobilités routières contribuent largement aux émissions régionales de GES. En même temps, l’étalement urbain fragilise la biodiversité et accélère le recul des espaces agricoles et naturels dont la préservation est une composante essentielle de la capacité d’adaptation du territoire.

© Région Pays de la Loire / PB. Fourny

À leur tour, les impacts des changements climatiques dans la région sont, pour une grande partie, directement liés à la structure du territoire et à son aménagement : tandis que les zones d’habitat littorales se trouvent doublement exposées à l’érosion côtière et au risque de submersion, les phénomènes de retrait-gonflement des argiles, eux, fragilisent les habitats et les voies de communication dont dépend fortement l’économie régionale. Pour sa part, le phénomène de surchauffe en milieu urbain menace d’accentuer les effets des vagues de chaleur sur l’organisme pendant que le risque accru de ruissellement lié aux phénomènes combinés d’artificialisation des sols et de fortes précipitations expose les systèmes d’assainissement à la saturation et donc les écosystèmes aussi au risque de pollution. Enfin, il est maintenant établi que le vieillissement des infrastructures (ponts, quais, digues) est affecté par les changements climatiques (CO2, montée des eaux, débit des rivières…).

Ainsi, les prochains choix d’aménagement gageront l’avenir de la région et de ses habitants : en contribuant à réduire leur contribution collective à l’effet de serre ; en réduisant l’exposition de la région aux changements climatiques ; en facilitant l’adaptation des territoires et des populations aux impacts des dérèglements climatiques, par des aménagements adaptés et un déplacement des zones habitées pour lesquels le risque augmente, tout en préparant les habitants à ces mutations.

II - Un niveau élevé de sols artificialisés

Depuis vingt ans, les terres artificialisées dans la région ont globalement progressé deux fois plus vite que la population.

Dans les Pays de la Loire, l’artificialisation des surfaces progresse plus vite que la population et l’activité économique. Déjà, avec 11,2 % des sols ligériens artificialisés en 2018, la région se place sensiblement au-dessus de la moyenne française (9 %).[REF] Sachant que le taux d’artificialisation croît plus rapidement dans la région qu’ailleurs dans l’Hexagone (Île-de-France et Bretagne exceptées), on calcule que le volume des sols confisqués aux espaces naturels et à l’agriculture pourrait y atteindre 55 000 ha supplémentaires d’ici à 2050.[REF]

Pourtant, c’est un autre scénario qu’il conviendra d’écrire pour pouvoir atteindre l’objectif national de « zéro artificialisation nette ». C’est la raison pour laquelle il est indispensable d’envisager les choix d’aménagement de la région à la lueur des enjeux auxquels ils doivent répondre, mais aussi de l’artificialisation des sols qu’ils engagent.

Les notions de « sols artificialisés » et d’ « artificialisation des sols » désignent respectivement des modes d’occupation et des changements d’affectation des sols spécifiques. Introduites à la fin des années 1990, pour qualifier les causes des pertes de terres agricoles, elles permettent aujourd’hui de traduire les évolutions de l’usage des sols en termes statistiques.

En amont, l’artificialisation des sols désigne ainsi le processus qui retire les surfaces de leur état naturel (friche, prairie naturelle, zone humide, etc.) ou de leurs usages forestier ou agricole. Pour leur part, les espaces artificialisés rassemblent des espaces construits et non construits qui ont la caractéristique commune d’être modelés par l’activité humaine (logements, bâtiments industriels, mais aussi chantiers, carrières, mines, décharges, parkings, etc.) et qui incluent également les espaces verts associés à ces usages (parcs et jardins, équipements sportifs et de loisirs…). En France, le niveau d’artificialisation s’établit à 9 % du territoire métropolitain en 2018.[REF] Selon les termes du gouvernement, « l’artificialisation des sols, conséquence directe de l’extension urbaine et de la construction de nouveaux habitats en périphérie des villes, est aujourd’hui l’une des causes premières des changements climatiques et de l’érosion de la biodiversité ».[REF]

La prise de conscience de l’urgence de préserver les sols a conduit à la publication du « plan biodiversité » puis, en 2021, de la loi « Climat et résilience ». Dans cette dernière, l’article 192 définit l’artificialisation des sols comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». Cette définition s’ajoute à celle de la consommation d’espaces, qui correspond à la conversion d’espaces naturels, agricoles ou forestiers en espaces urbanisés.

Héritée de modèles anciens et modifiée par des pratiques récentes, l’organisation des Pays de la Loire se distingue par son étalement résidentiel et sa polarisation économique et urbaine. Or ces caractéristiques renvoient toutes deux au modèle d’aménagement privilégié pour répondre à la croissance démographique et au dynamisme économique que la région connaît depuis plusieurs décennies.

De 1968 à 2018, on compte par exemple que le nombre de logements a plus que doublé dans les Pays de la Loire.[REF] En même temps, on observe que le nombre de résidences principales y a augmenté deux fois plus vite que la population soulignant ainsi l’impact, sur le territoire, du recul de la taille des ménages. De la même façon, la préférence régionale pour l’habitat individuel qui, en 2018, représente 71 % de logements dans la région au lieu de de 56 % dans l’Hexagone, vient accentuer la pression sur les sols.[REF] Au vu de l’attractivité de la région où l’on attend 590 000 habitants supplémentaires d’ici à 2050[REF], le risque d’accaparement des espaces naturels et des terres agricoles pour des usages urbains reste donc très élevé. C’est d’ailleurs ce que l’on observe dès aujourd’hui dans les villes moyennes et la lointaine périphérie des grandes agglomérations ligériennes où le processus d’artificialisation des terres connaît ses plus forts taux de croissance. Un constat qu’il convient d’associer au taux de logements vacants particulièrement faible dans la région. Sur ce point, le cas de Nantes est emblématique.

C’est aux abords de la capitale régionale que la situation est en effet la plus tendue : alors que l’aire métropolitaine absorbe un tiers des nouveaux logements construits dans la région[REF], la hausse des prix du foncier en centre-ville et la disponibilité réduite de logements existants ou vacants déporte une part de plus en plus grande des habitants dans les communes périphériques où les familles désireuses d’acquérir un logement individuel convergent désormais en grand nombre. Ce faisant, elles génèrent à leur tour un besoin accru de services et de mobilités qui accentuent l’étalement urbain au détriment des terres agricoles.

Bien que la demande de résidences principales dans les agglomérations constitue ainsi un facteur important d’artificialisation des sols, il convient de lui associer la construction de résidences secondaires et occasionnelles dont la progression continue fait écho à l’attractivité du territoire. Situées pour les deux tiers sur la zone littorale et de type individuel pour 69 % d’entre elles, on retient de ces résidences qu’elles sont pour plus de la moitié la propriété de personnes résidant hors de la région.[REF] Un ratio important qui, pour partie, permet d’expliquer une progression globale des terres artificialisées depuis vingt ans deux fois plus rapide que celle de la population.

Qu’il s’agisse de lotissements périurbains ou de résidences secondaires sur la côte atlantique, le développement de l’habitat dans la région y stimule dans tous les cas le développement concomitant d’infrastructures de transport, d’équipements divers et de zones d’activités économiques. Ainsi, l’artificialisation des terres se trouve largement amplifiée, bien au-delà des taux de croissance démographique. Entre 2006 et 2011 par exemple, le rythme de croissance des parcelles à vocation économique était partout supérieur à celui des parcelles à vocation résidentielle.[REF] On compte d’ailleurs que dans la région, un quart des zones dédiées à l’activité économique a été créé après le début des années 2000. Résultat : début 2016, les 900 zones que compte la région occupaient déjà 1 % de sa surface en dehors des centres-villes.[REF]

Dans le détail, quand on rapporte la superficie de ces espaces au nombre d’emplois qu’ils ont créés ou absorbés, on obtient des ratios très variables, allant de 22 emplois à l’hectare pour les zones plus anciennes situées à la périphérie des grandes villes, à seulement 8 à 10 emplois par hectare pour celles, plus petites, qui ont été créées dans les années 1990 et 2000.

D’abord lié à la dispersion de l’habitat dans la région, puis à l’étalement urbain et au redéploiement des activités économiques sur le territoire et enfin au changement d’habitudes que l’équipement automobile induit lui-même, le développement des infrastructures de transport constitue à son tour un vecteur important des dynamiques territoriales des Pays de la Loire où elles contribuent doublement à l’artificialisation des sols. De façon directe, elles y contribuent par leur emprise sur les terres agricoles et zones naturelles, soit environ un quart de la surface régionale artificialisée en 2015. De façon indirecte, l’artificialisation des sols est accentuée en facilitant l’accès à des zones de plus en plus éloignées des centres-villes, les rendant ainsi plus attractives.[REF] In fine, le développement des infrastructures de transport dans les Pays de la Loire contribue donc à y amplifier ensemble le fret et les déplacements individuels, tant en termes de distances parcourues qu’en nombre de trajets.

 

Les mobilités individuelles

Alors qu’en 2008, les habitants des Pays de la Loire réalisaient 13,7 km en moyenne pour aller travailler, ils parcouraient 15,1 km en 2016, voire 18 km pour les résidents des couronnes périurbaines.[REF] Un chiffre élevé qu’il convient aussitôt d’associer à la part — importante et croissante — des habitants de la région qui travaillent hors de l’intercommunalité dans laquelle ils résident : 36 % en 2016.[REF] À son tour, le nombre de déplacements réalisés chaque jour dans la région affiche une progression soutenue qui fait écho à la dé-densification urbaine et à l’éloignement de l’habitat des zones d’emplois et des cœurs de villes, notamment autour d’Angers et de Nantes. Autrement dit, et paradoxalement, en rendant les mobilités plus fluides, l’amélioration des infrastructures de transport a moins contribué à réduire le temps de déplacement qu’à allonger les distances parcourues, plus particulièrement en voiture.

Avec la fréquence des déplacements et la distance moyenne parcourue par les habitants de la région, c’est en effet la prédilection pour la voiture qui ressort ensuite. En 2017 par exemple, 84 % des personnes qui se déplacent pour rejoindre leur lieu de travail utilisent la voiture.[REF] De la même façon, en moyenne, 67 % des actifs utilisent leurs voitures pour effectuer des trajets inférieurs à 5 km (du domicile au travail).[REF] À ces deux chiffres, on peut aussi associer le taux de motorisation des ménages particulièrement élevé dans la région, où 86,8 % des foyers disposent d’un véhicule et où 40 % en possèdent même deux.[REF] On n’est donc guère surpris d’apprendre que dans les Pays de la Loire, 90 % des actifs sont seuls dans leur voiture quand ils se rendent sur leur lieu de travail.[REF]

En faisant exception à cette règle, les habitants des grands pôles urbains soulignent à leur tour le rôle prépondérant de l’offre de transports en commun dans le choix des mobilités individuelles. Globalement d’ailleurs, il est important de souligner que leur fréquentation progresse dans la région, plus particulièrement en milieu urbain où la hausse atteint 18 % par habitant entre 2010 et 2017.[REF] Plus récemment cependant, la crise sanitaire et les épisodes de confinement ont introduit de nouvelles pratiques et, avec elles, de nouvelles pistes de réflexion sur les mobilités quotidiennes qu’il sera utile de prendre en compte dans l’orientation des politiques publiques d’aménagement ou d’accompagnement : télétravail partiel, espaces de travail partagés, pistes et stationnement cyclables sécurisés, facilitation du covoiturage, abonnements modulaires.

Le fret

Tout comme pour les déplacements de personnes, la route est aujourd’hui largement prédominante dans les flux logistiques de la région, quelle que soit la catégorie de produits considérée. En 2019 par exemple, le transport routier de marchandises représentait 80% du volume de fret échangé dans la région.[REF] Un chiffre élevé qui renvoie pour partie au fait que deux tiers du tonnage transporté par la route ne franchissent pas les frontières de la région, voire celles du département pour la moitié du fret. Au total, on compte ainsi que plus de 80% du transport ligérien de marchandises se fait dans un rayon inférieur à 100 km.

Cependant, l’efficacité d’infrastructures alternatives telles que les oléoducs Donges-Melun-Metz et Donges–Vern-sur-Seiche rappellent que le développement d’infrastructures alternatives de transport de marchandises pourrait permettre de ralentir l’inflation routière dans la région. C’est le cas du rail dont l’usage est particulièrement faible dans les Pays de la Loire au regard de sa part modale en France, mais aussi du nombre d’installations terminales dans la région : alors que l’on comptait par le passé 150 installations embranchées (ITE) sur le territoire ligérien, seuls 20 sites y génèrent encore du trafic ferroviaire de marchandises.[REF]

Replacé dans un contexte de contrainte climatique, le recul du rail paraît même d’autant plus frappant qu’à masse transportée équivalente, le train émet 14 fois moins de CO2 par kilomètre qu’un poids lourd.[REF] Pour sa part en revanche, la Loire n’offre qu’une alternative limitée à la route. Si, depuis 2018, le service Flexi Loire a permis de mettre en place cinq rotations par semaine dans l’estuaire entre Cheviré et Montoir pour des barges d’une capacité de 860 t, le fleuve, lui, reste trop faiblement navigable pour permettre de développer le transport fluvial dans la région à l’exception du tronçon entre Nantes et Angers.[REF]

Avec le transport et le bâtiment, le changement d’utilisation des sols constitue un facteur important du bilan carbone de l’aménagement des Pays de la Loire.

À tout choix d’aménagement correspond une empreinte énergétique et climatique particulière. Celle des Pays de la Loire n’échappe pas à la règle et renvoie à l’étalement urbain de la région, à son niveau élevé d’artificialisation des sols et au mode de vie de ses habitants.

Parce qu’il consomme beaucoup d’énergie, notamment fossile, le secteur des transports est un contributeur important aux émissions régionales de GES : à lui seul, le transport routier en représentait 26 % en 2018, soit 2,15 teqCO2 par Ligérien.[REF] À cette moyenne correspondent cependant deux tendances opposées. D’un côté, on observe une hausse des émissions de CO2 du transport routier de 3% entre 2008 et 2018, que l’on attribue aux effets rebonds du développement urbain : hausse du nombre de trajets effectués et allongement des distances moyennes parcourues. De l’autre, on observe un recul des émissions individuelles à la faveur du gain d’efficacité énergétique des véhicules, de l’intégration croissante des agrocarburants et de la progression des véhicules électriques. Au sujet de ces derniers cependant, au moins quatre autres critères méritent d’être pris en compte dans les choix d’aménagement et de politique des transports. En effet, si les véhicules électriques permettent effectivement de réduire l’empreinte carbone du transport automobile au-delà de 30 000 km à 40 000 km d’utilisation[REF], d’autres facteurs nuancent ce bilan environnemental, notamment l’exploitation des minerais (cobalt, lithium) nécessaires à leur fabrication.

Par ailleurs, le coût du développement des bornes de recharge est à prendre en compte. Dans les Pays de la Loire, il s’élèverait à 2 milliards d’euros pour passer de 1 500 points de recharge ouverts au public en mai 2020 à 100 000 de plus en 2050, si 90 % du parc était alors électrique.[REF] 

Comme les déplacements automobiles, les émissions des autres modes de transport enregistrent une nette progression dans la région même si, à la faveur de la non-affectation géographique de la plus grande part de l’empreinte carbone du transport maritime et du transport aérien, ils n’y représentent que 1 % des émissions de GES, dont la plus grande part revient au transport maritime (71 %). Sur le plan énergétique cependant, c’est le tramway qui affiche la plus forte augmentation sous les effets cumulés de la progression du trafic à Nantes, de l’ouverture du réseau à Angers en 2011 et de l’ouverture d’une seconde ligne au Mans en 2014.

À son tour, portée par un trafic croissant, la consommation d’énergie du transport aérien s’est élevée de 43 % entre 2008 et 2018.[REF]

Face à cette augmentation des flux et de leur contribution à l’effet de serre, la mise en œuvre de projets visant à décarboner les transports paraît indispensable pour contribuer à réduire les émissions régionales de CO2. C’est l’objectif du projet de motorisation hydrogène de l’étoile ferroviaire Mancelle à l’horizon 2030 qui précédera la sortie totale de la SNCF du diesel en 2035. C’est aussi l’ambition du port maritime de Nantes– Saint-Nazaire qui envisage d’utiliser l’hydrogène pour alimenter les navires en escale, les camions et engins de manutention, voire les industries implantées.

Globalement, le bâti émet 13,5 % des émissions de GES du territoire dont la plus grande part est liée à l’énergie utilisée pour chauffer les logements : en 2018, ces derniers absorbaient à eux seuls 57 % de la consommation d’énergie du secteur et représentaient 69 % de ses émissions de GES.[REF] Sur la durée cependant, quand on les rapporte au m² de bâti ou à l’habitant, les consommations d’énergie du secteur marquent un fléchissement que l’on attribue notamment à la mise en place de nouvelles réglementations thermiques, au progrès de la performance énergétique des logements et à l’usage d’appareils plus efficaces. De la même façon, les émissions de GES du secteur résidentiel ont reculé de 14 % entre 2009 et 2018 grâce au renouvellement du parc immobilier, à la mise en place de nouvelles normes et à l’usage de vecteurs énergétiques moins carbonés.[REF]

Bien qu’elle paraisse importante, la baisse constatée ne suffit pas à compenser les émissions supplémentaires liées aux trajets de plus en plus importants que l’éloignement des nouveaux logements impose quotidiennement à leurs habitants. De la même façon, il convient de souligner que la construction de logements neufs ne permet de renouveler le parc que de 1 % chaque année[REF] et que le rythme de rénovation annuelle des logements existants (environ 20 000 par an) reste très insuffisant pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone. À ce bilan mitigé il convient également d’associer le bilan énergétique médiocre de 60 % des logements de la région en 2018 (classe E, F, G, H) ou encore la situation de précarité énergétique qui touche 21,5 % des ménages dans la région, voire plus de 30 % dans certaines communes de la Sarthe.[REF]

À l’instar du secteur résidentiel, c’est aussi le chauffage qui représente le premier poste de consommation d’énergie des bâtiments du secteur tertiaire, qui regroupe les commerces, les établissements de santé, sociaux et d’enseignement, les bureaux, l’habitat communautaire, l’hôtellerie, les lieux de restauration, loisirs et sport et les bâtiments de transport. Globalement, cette part du bâti qui absorbe 14 % de la consommation d’énergie finale de la région compte pour 5 % de ses émissions de GES. En dépit d’une hausse de 6 % de la consommation d’énergie finale du secteur tertiaire entre 2009 et 2018, les émissions de gaz à effet de serre du bâti du secteur tertiaire ont reculé de 12 % sur la même période[REF], notamment à la faveur d’une baisse de la consommation de produits pétroliers, de la multiplication par 4 de la consommation de chaleur et de biomasse, mais aussi des efforts importants qui ont été consentis dans le choix des matériaux ou la conception architecturale des bâtiments. Cependant, il convient aussi de rappeler que la stratégie nationale bas carbone, elle, vise une réduction de 49 % des émissions des bâtiments en 2030 par rapport à 2015, et même une décarbonation complète à l’horizon 2050.[REF]

De la même façon, si des solutions de rénovation offrent d’améliorer le confort thermique des logements et bâtiments tout en diminuant la consommation d’énergie, les vagues de chaleur pourraient néanmoins devenir une source d’émissions supplémentaires de gaz à effet de serre avec l’usage accru des appareils de refroidissement d’air. En 2020 par exemple, les systèmes de climatisation rejetaient quelque 4,4 MteqCO2, soit 5 % des émissions totales du secteur du bâtiment en France.[REF] 

© Région Pays de la Loire / PB. Fourny

Quant aux bâtiments du tertiaire, ils affichent des taux d’équipement très variables, mais qui pourraient fortement progresser dans les prochaines décennies : c’est par
exemple le cas des bâtiments d’enseignement, dont seuls 7 % disposent d’un système de conditionnement d’air. [REF]  Des perspectives qui soulignent donc l’importance à
la fois d’améliorer le dispositif technique pour en réduire l’impact et de mieux intégrer l’exigence de confort thermique d’été dans la conception architecturale des logements et bâtiments. Parmi les autres pistes d’amélioration du bilan carbone du bâti régional, on peut citer la superficie des bâtiments, leur emprise au sol, leur cycle de vie
(construction, exploitation, fin de vie) et enfin le choix des matériaux de construction.

À l’échelle globale, les volumes de carbone séquestrés dans les sols et les forêts sont 3 à 4 fois supérieurs aux quantités de carbone stockées dans l’atmosphère.[REF] C’est pourquoi à tout changement d’utilisation des sols correspondent des émissions de CO2, que ce soit par le déstockage de GES contenus dans les sols, bois mort et sédiments ou par la destruction des puits de carbone (biomasse vivante). En France, on estime que les écosystèmes terrestres constituent un puits annuel net de carbone équivalent à environ 20 % des émissions de GES (chiffre 2015). Cependant, au rythme actuel d’artificialisation des sols, la quantité cumulée de CO2 déstockée pourrait atteindre d’ici à 2050 l’équivalent de 75 % des émissions de l’année 2015.[REF]

Avec les secteurs du transport et du bâtiment, l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la forêt (secteur UTCATF) constituent donc un facteur important du bilan carbone de l’aménagement du territoire. À l’échelle des Pays de la Loire, il représente un puits net de carbone qui s’élevait en 2018 à 2,7 Mt de CO2.[REF]  À ce chiffre global il convient cependant d’associer deux tendances divergentes : tandis que le développement de la forêt ligérienne entre 2008 et 2018 a permis d’accroître la captation de CO2 de la région, la progression de la récolte de bois et le niveau de changement d’utilisation des sols y ont, pour leur part, accentué les émissions de GES de 27 % sur la même période.[REF]

IV - Des infrastructures sous pression

En milieu urbain, c’est moins le niveau des températures qui pose un problème que le phénomène d’îlot de chaleur qui les amplifie.

À l’instar de nombreuses activités agricoles ou industrielles, les infrastructures affichent un bilan global ambivalent. En amont, elles sont aussi indispensables à la mobilité des personnes et des marchandises qu’à la protection des espaces et des personnes. Autrement dit, elles permettent de réduire la vulnérabilité du territoire et de sa population. En aval, elles contribuent à la détérioration des milieux naturels et sont aussi responsables d’une part importante de la contribution régionale à l’effet de serre. Par conséquent, elles accentuent la vulnérabilité du territoire et de sa population à long terme.

À l’aune des changements climatiques, la politique d’aménagement du territoire invite donc à adopter une approche systémique du rôle des infrastructures.

Alors que la composition et les formes urbaines ont un effet avéré sur les températures en ville, les changements climatiques viennent accentuer le phénomène de surchauffe (îlot de chaleur urbain) et, avec lui, l’acuité de la question du confort environnemental des populations citadines. Avec l’élévation marquée des températures en été, la fréquence accrue des canicules et la surmortalité qu’elles entraînent, le niveau des températures estivales dans les villes et les bourgs devient même peu à peu un enjeu de santé publique de première importance, a fortiori en contexte de vieillissement démographique.

Cependant, contrairement à d’autres régions plus méridionales, c’est moins le niveau des températures en période de forte chaleur qui pose un problème de confort thermique dans les Pays de la Loire que le phénomène d’îlot de chaleur qui les amplifie en milieu urbain et que l’on attribue à trois facteurs : l’accumulation thermique dans les matériaux, la densité bâtie qui limite la circulation de l’air, l’imperméabilisation des sols qui diminue l’évapotranspiration. À leur tour, d’autres facteurs peuvent alors aggraver le phénomène : les matériaux foncés, les bâtiments vitrés, les tôles, certains bétons, les rejets de climatisation, la chaleur générée par les moteurs thermiques et le refroidissement de moteurs. À l’inverse, la re végétalisation et l’usage de matériaux spécifiques innovants permettent de l’atténuer : tandis qu’en journée, les arbres de haute tige font baisser les températures en produisant de l’ombre et de l’évapotranspiration, les espaces végétalisés et perméables permettent quant à eux de limiter le stockage de chaleur en journée.

Le 30 juin 2015, alors que la région connaissait un épisode de canicule, 400 000 à 500 000 foyers se trouvent privés d’électricité à la suite de deux graves incidents sur le réseau, à Cordemais et à Cheviré.[REF] Ensemble, les deux événements rappellent la vulnérabilité des systèmes d’alimentation centralisés de la région quand ils sont exposés à de fortes chaleurs. Plus les températures sont élevées par exemple, moins les câbles électriques et boîtes de jonction peuvent supporter de tension. De la même façon, en perturbant le fonctionnement des combinés de mesure des postes de transformation électrique, les variations brutales de température en période de fortes chaleurs augmentent le risque d’incendie, plus particulièrement en début de soirée, au moment où le soleil cesse brutalement de chauffer les matériaux.

À son tour, le risque accru de pluies importantes et d’inondations menace de multiplier les incidents sur le réseau, voire d’entraîner des dommages sur les infrastructures de production d’énergie. Entre 2010 et 2013, 97 coupures de courant ont ainsi été recensées sur le territoire de Nantes lors d’intempéries.[REF] On retient cependant que le réseau, très endommagé lors des tempêtes Martin et Lothar de 1999, a depuis été renforcé et qu’il est à présent beaucoup plus résilient à ce niveau de tempête par ailleurs plus fréquent.

En même temps qu’elles fragilisent les nœuds et réseaux électriques, les inondations exposent le fonctionnement des activités d’incinération des déchets et celui des chaufferies « biomasse », qu’il s’agisse de l’alimentation électrique des incinérateurs, de leur approvisionnement en bois ou des lieux de stockage du bois énergie. Au total, elles invitent donc la filière à mieux prendre en compte le risque climatique, tant pour la configuration de ses bâtiments, que pour celle des voies d’accès ou pour l’organisation du stockage. De ce point de vue, on retient aussi que le développement de la technologie des smart grids, plutôt avancé dans la région, permet d’y améliorer la résilience des réseaux face aux intempéries tout en facilitant la pénétration des énergies renouvelables.

Globalement très attractives, les zones littorale et rétro-littorale, qui représentent 8 % du territoire de la région, accueillent 19% du parc régional de logements et de nombreuses activités touristiques et agricoles.[REF] Or quand ils sont situés en zone basse, les logements et bâtiments sont particulièrement exposés au risque de submersion marine, notamment en cas de tempêtes ou de forte houle. Si elle procède d’abord de la configuration géographique du territoire côtier de la région, la vulnérabilité ligérienne en cas de submersion marine se trouve aggravée par la part importante de populations âgées dans les zones littorales.

Entre autres dispositions pour faire face au risque de submersion que l’élévation du niveau de la mer vient encore accentuer, des ouvrages de protection sont érigés qui améliorent l’endiguement côtier. C’est le cas du système d’endiguement du Pouliguen et de ses 8,5 km de digues qui, depuis la tempête Xynthia, ont été rénovées, rehaussées et équipées de batardeaux. À leur tour, d’autres mesures peuvent contribuer à contenir les dommages en cas de sinistre et à faciliter le retour à la normale. Parmi elles, on peut citer la réalisation d’un espace refuge dans tout logement de plain-pied dont le premier niveau fonctionnel est situé en dessous de la cote de l’aléa Xynthia + 20 cm ; la mise hors d’eau — au-dessus de ce même niveau d’alerte — des équipements sensibles (assainissement, gaz, réseaux de chaleur, électricité, télécommunications, réseaux ferroviaires) ; la prise en compte d’un niveau marin de Xynthia + 60 cm pour les constructions neuves d’équipements sensibles. Enfin, au-delà des mesures réactives et préventives aux impacts des événements météorologiques, les changements climatiques soulèvent la question de la stratégie d’adaptation des Pays de la Loire pour les zones côtières et celle de sa planification qui, à long terme, pourrait amener à relocaliser des activités et des logements particulièrement exposés en région littorale.

Les aléas météorologiques, que les changements climatiques viendront accentuer, exposent les infrastructures routières à plusieurs types d’impacts qu’un défaut d’entretien vient souvent amplifier :

  • En période de chaleur par exemple, ou lors des cycles gel-dégel hivernaux dont la durée, la fréquence et l’amplitude sont modifiées par les changements climatiques, on observe une dégradation plus rapide des routes et de l’enrobé bitumineux.
  • Dans les zones exposées au phénomène de retrait-gonflement des argiles, on voit aussi que la structure de la chaussée (assise routière) vient à se dégrader plus rapidement.
  • Pour leur part, certains ouvrages peuvent devenir inutilisables en cas de vent violent tous comme les réseaux routiers peuvent devenir impraticables et rendre des zones inaccessibles en cas d’événement extrême.
  • En cas de pluies torrentielles ou de changement du niveau d’eau dans les fleuves et rivière, on voit aussi s’élever le risque d’affouillement au niveau des piles des ponts et des remblais.

Quant à elles enfin, l’augmentation du CO2 dans l’air, l’élévation du niveau de la mer ou encore son acidification favorisent les phénomènes de corrosion, carbonatation et lixiviation des infrastructures dont le vieillissement se trouve alors accéléré.

Sous l’effet de changements climatiques non pris en compte lors de leur conception, les infrastructures sont donc globalement exposées à un vieillissement accéléré. Or comme elles subissent en même temps une élévation significative du trafic routier et la pression croissante d’événements météorologiques extrêmes, leur vulnérabilité qui s’accroît impose de les surveiller et de les entretenir de façon plus étroite et régulière. Sur ce point pourtant, on constate d’importantes disparités d’un territoire à l’autre.

Affectées par les mêmes tendances climatiques et météorologiques, les infrastructures ferroviaires subissent à leur tour un risque de vieillissement prématuré, tandis que les usagers sont exposés à un risque accru de ralentissement, voire d’interruption du trafic.

Si les modèles régionaux ne convergent que partiellement sur les évolutions à moyen terme du régime des précipitations, ils s’accordent davantage sur l’augmentation à long terme de l’intensité des événements avec, au printemps et en été, un risque d’orage plus marqué et donc de précipitations à la fois plus brèves et plus denses.

Or à ces phénomènes correspondent des enjeux de ruissellement et de transfert des eaux de pluie jusqu’aux stations de traitement des eaux usées en milieu urbain. Non conçus pour gérer des volumes d’eau exceptionnels, les systèmes d’évacuation — ponctuellement sous-dimensionnés — sont, en effet, de plus en plus souvent amenés à déverser l’eau en surplus dans le milieu naturel. Bien que l’eau de pluie ne présente aucun risque, son ruissellement sur les surfaces urbaines peut toutefois la charger en polluants.

Surtout, comme elle vient se mêler aux eaux usées, le risque de pollution des milieux naturels s’accroît alors fortement et, avec lui, celui de l’altération de la faune et de la flore. Parmi les mesures d’adaptation à l’intensification des précipitations, la désimperméabilisation des sols en milieu urbain se présente donc comme une priorité.

Sur le plan morphologique, l’estuaire de la Loire se caractérise :

  • Par la présence de goulets et de pointements rocheux qui contraignent l’écoulement dans l’estuaire et y limitent la pénétration de la marée (95 km pour la Loire, contre plus de 160 km pour la Seine ou la Garonne). Dans le détail, l’estuaire est divisé en trois séquences géographiques : des Ponts-de-Cé au Pellerin, le fleuve coule dans une plaine inondable de 22 000 ha ; du Pellerin à Saint-Nazaire, la plaine inondable s’étend sur plus de 21 000 ha de zones humides avec un fleuve passant par divers goulets ; en aval de Saint-Nazaire, un delta sous-marin termine l’estuaire externe.
  • Par son ouverture qui le rend particulièrement sensible aux houles venant pour plus de 80 % de la direction Ouest-Sud-Ouest, favorisant la problématique de son colmatage naturel.
  • Par sa conversion anthropique d’estuaire dit « à barres » (au niveau de la barre des Charpentiers) à la fin du XIXe siècle en estuaire de plaine navigable. Cependant, si la géométrie actuelle de l’estuaire le rend propice à la navigation par chenalisation et auto-curage du chenal de navigation, elle accroît aussi la sensibilité de son fonctionnement aux changements climatiques.

Ainsi, avec l’élévation attendue du niveau de la mer, la pénétration de la marée devrait progresser dans les prochaines décennies. Ce faisant, elle pourrait accroître la salinité de la Loire plus en amont ; solliciter davantage les berges du fleuve au passage des agglomérations et au niveau des zones d’activités ou des endiguements des prairies inondables (le chenal principal s’est approfondi permettant à la marée d’aller aujourd’hui vers l’amont à 95 km de Saint-Nazaire, contre 70 km au début du siècle) ; allonger les périodes d’inondation en hiver ; augmenter la difficulté de la gestion hydraulique de la Loire qui devra donc faire face à un niveau du fleuve globalement plus élevé l’hiver et à des entrées d’eaux salées accrues en période estivale.

À son tour, l’extension du bassin hydrographique de la Loire (118 000 km² contre 74 000 km² pour la Seine et 56 000 km² pour la Garonne) le rend particulièrement sensible à l’évolution des régimes pluviométriques qui, en cas de baisse des précipitations et de raréfaction de la ressource hydrique en période d’étiage, favorise la remontée de la salinité et du bouchon vaseux par diminution des débits. Or dans la mesure où il faut un débit de crue d’au moins 5 000 m3/s pour éjecter totalement le bouchon vaseux en mer, le risque augmente — lors d’étés particulièrement chauds et secs — que l’eau saumâtre séjourne plus longtemps dans l’estuaire avant d’être chassée vers la mer, exposant alors les eaux à la dégradation de leur qualité.

Pour sa part, la modification géométrique de l’estuaire a considérablement réduit les surfaces marnantes des vasières au profit de l’extension des marais latéraux à l’arrière de systèmes d’endiguements, réduisant ainsi les nombreux services écosystémiques assurés par les surfaces intertidales. Or bien logiquement, ce recul des surfaces marnantes devrait mécaniquement s’accentuer avec l’élévation du niveau de la mer. À terme, l’exposition accrue des marais latéraux aux entrées d’eau salée pourrait ainsi altérer le fauchage des prairies, voire en réduire la présence au profit d’espèces végétales plus adaptées à des conditions de salinité supérieure.

À cet énoncé des possibles impacts des changements climatiques sur l’estuaire de la Loire, il convient aussi d’associer les enjeux urbains, industriels et portuaires de l’estuaire que le niveau plus élevé de l’eau, la raréfaction des ressources en eau potable et la dégradation de la qualité de l’eau estuarienne viendront aussi soulever.

Au vu de tous ces éléments et dans la mesure où les politiques et documents de prévention sont élaborés sur la base des cotes de référence des événements extrêmes, tant du côté littoral (référence Xynthia et niveau de la mer en 2100) que fluvial (référence de la crue de 1910), une révision s’impose pour intégrer à la fois l’évolution morphologique du lit de l’estuaire, l’élévation du niveau de la mer et la possibilité d’événements extrêmes combinant débits importants et conditions maritimes de niveau centennal.