PRÉCIPITATIONS

DÉCRYPTAGE | Au-delà des variations de température, les changements climatiques se manifestent par une transformation en profondeur du régime des précipitations. Dans les Pays de la Loire, cette évolution est d’autant plus critique que la région affiche une situation hydrique fortement dégradée, avec seulement 11 % des cours d’eau en bon état écologique.

I - Des épisodes pluvieux moins longs mais plus intenses

Déterminante pour l’humidité des sols et le réapprovisionnement des nappes, l’évolution du régime des précipitations se révèle cependant plus difficile à prévoir que celui des températures et impose de rester prudent en matière de prévisions.

Toutefois, malgré des divergences d’un modèle à l’autre, il reste possible de dégager quelques tendances de long terme qui ressortent dans tous les scénarios à l’horizon 2071-2100 : l’intensification des précipitations et leur augmentation durant l’hiver ; une diminution de l’intensité des événements courants et leur baisse en été. [REF]
Finalement donc, c’est moins le volume annuel total des pluies qui pourrait subir un changement que la répartition des précipitations dont la moindre régularité pourrait alors contribuer à aggraver la sécheresse des sols, et la capacité de recharge des nappes souterraines.

Scénario d'évolution des précipitations en Pays de la Loire

(cumul et jours moyen par mois - rcp 8.5, horizon 2050)

II - Une vulnérabilité hydrique forte

Qu’il s’agisse de l’irrigation agricole, de l’élevage bovin, de la production industrielle ou de la production énergétique (refroidissement de la centrale de Cordemais), l’économie des Pays de la Loire montre une forte dépendance à la disponibilité d’eau douce que la croissance de la population vient également accentuer. Or tous les scénarios prévoient une baisse sensible des ressources en eaux souterraines de la région, mais aussi une diminution des débits des rivières particulièrement marquée en été. C’est à la fin de l’été que la situation sera la plus critique, en période d’étiage, quand le débit des rivières atteint son plus bas niveau annuel.

À l’échelle de l’Hexagone, on estime que la ressource en eau reculera de 10 % à 55 % à l’horizon 2070, en fonction du niveau des émissions de GES, mais aussi des bassins versants. Or celui de la Loire sera parmi le plus sévèrement touché avec une réduction comprise entre 25 % et 30 % sur la moitié de la superficie de son bassin versant.[REF]

III - Des sécheresses plus fréquentes, plus intenses et plus longues

Au vu de sa fréquence et de son intensification possible[REF], la sécheresse constitue l’une des conséquences les plus préoccupantes des changements climatiques pour la région, bien que le terme de sécheresse décrive en réalité trois phénomènes distincts : la sécheresse météorologique, qui désigne une période prolongée de précipitations faibles ; la sécheresse agricole, qui renvoie à un niveau d’humidité des sols insuffisant pour les cultures : la sécheresse hydrologique, qui correspond à un niveau anormalement bas des réserves d’eau disponibles dans les nappes aquifères, réservoirs, lacs et cours d’eau.

Les sécheresses météorologiques sont caractérisées par une période prolongée avec un taux de précipitations en dessous de la moyenne. Aujourd’hui, on compte dans la région environ 24 jours de sécheresse météorologique par an, au lieu de 17 jours en moyenne sur la période de référence (1976-2005). Dans la mesure où l’occurrence et l’intensité des sécheresses météorologiques dépendent des changements climatiques, leurs évolutions à l’échelle régionale seront donc liées à celle des émissions mondiales de GES : tandis qu’un scénario de réduction massive épargnerait les Pays de la Loire de changements remarquables (scénario RCP2.6), le scénario RCP8.5, lui, laisse présager une réduction des sécheresses hivernales de 1 jour d’ici à 2050 et une augmentation des sécheresses estivales de 4 jours sur la même période. D’ici à la fin du siècle, l’augmentation pourrait même atteindre 10 jours, portant alors la durée annuelle des sécheresses estivales à 27 jours.

En même temps, la région pourrait subir un allongement de la période de sol sec, une diminution des périodes de sol humide et un assèchement croissant des sols en toute saison au point que les records de sécheresse observés à ce jour pourraient devenir la norme dans le dernier quart du siècle. Dans ce cas, la durée des sécheresses hydrologiques augmenterait alors de plus de 20 % sur la même période et, avec elle, l’ampleur de leurs effets. Parmi eux, on peut citer les phénomènes de retrait-gonflement des argiles dont les conséquences matérielles pourront être localement critiques. Déjà, on calcule que d’ici à 2050, les impacts géotechniques des sécheresses pourraient augmenter jusqu’à 25 % en Vendée, en Loire-Atlantique et dans le Maine-et-Loire par rapport à 2008-2018, et de 25 % à 50 % en Mayenne et dans la Sarthe.[REF]

IV - Des tensions sur l’eau potable

Dans un contexte de changements climatiques, l’approvisionnement en eau potable devient bien logiquement un enjeu majeur. Dans la mesure où, pour sa plus grande part, l’eau potable est prélevée dans la Loire et où pour maintenir la qualité de l’eau potable, la température de l’eau ne doit pas dépasser 25 °C, celle du fleuve constitue un facteur déterminant pour l’approvisionnement régional. Or, voilà déjà plusieurs années que la limite est franchie en été.

Dans les prochaines décennies, la température du fleuve pourrait même atteindre ponctuellement 30°C pendant les mois les plus chauds de l’année.[REF] S’ajoutera alors un second problème puisque les réseaux d’acheminement de l’eau potable sont conçus pour un débit minimum. S’il devient insuffisant, l’eau qui stagne dans les tuyaux soulève alors un enjeu d’insalubrité. Or à la fin du siècle, le débit de la Loire pourrait avoir baissé de 20 % à 50 % par rapport à la période 1971-2000, voire davantage à l’étiage.[REF] Résultat : on pourrait observer dans la région une baisse globale des ressources en eau disponibles de 30 % à 60 % sur la même période, sans même compter la demande agricole supplémentaire prévisible ou celle liée à l’afflux touristique.

Enfin, avec la baisse du débit de la Loire, la probabilité s’accroît d’une augmentation de la salinité et d’un déplacement du bouchon vaseux dans la zone d’estuaire qui dégraderait alors certaines fonctions écologiques de la zone telles que l’alimentation des poissons et des oiseaux hivernants. En même temps, le phénomène expose à une autoépuration réduite des eaux estuariennes, ainsi qu’à une augmentation des épisodes d’hypoxie (diminution de la concentration de l’eau en oxygène) également néfastes pour la faune aquatique et la biodiversité locale.

Couverture - Renforcer l'adaptation des acteurs aux changements climatiques

V - Une pression accrue sur les milieux et les espèces aquatiques

Bien logiquement, l’élévation des températures et les sécheresses concomitantes ont pour effet de pousser à la hausse les prélèvements destinés à l’agriculture, mais aussi à l’industrie, aux loisirs ou aux particuliers. Ce faisant, elles viennent encore amplifier la tension sur les ressources en eau douce. Parallèlement, la détérioration du bilan hydrique des sols et l’élévation de la température de l’eau exposent les milieux et espèces aquatiques à de multiples phénomènes tels que l’altération de la capacité d’autoépuration des milieux d’eau douce et donc leur eutrophisation, la salinisation de l’eau et donc des terres, l’augmentation de la concentration de polluants, la baisse du niveau d’oxygène, etc. Finalement, c’est donc l’ensemble des conditions d’alimentation, de vie et de reproduction des espèces végétales et animales aquatiques qui se trouvent ainsi dégradées, voire compromises.

Or, compte tenu de sa structure hydrogéologique et hydrographique, la région se trouve particulièrement exposée à ces impacts du changement climatique, tout particulièrement les bassins de la Loire aval et les fleuves côtiers vendéens. En estuaire de la Loire, le réchauffement pourrait ainsi affecter les poissons migrateurs comme le saumon atlantique. Lorsque les épisodes d’hypoxie (bouchon vaseux) coïncident avec la période de passage des poissons migrateurs par exemple, l’estuaire de la Loire peut représenter une véritable barrière chimique. C’est notamment le cas pour la dévalaison des juvéniles de saumon atlantique lors des étiages précoces.[REF]