ADAPTATION

DÉCRYPTAGE | Désormais, aucune trajectoire ne permettra de contraindre le réchauffement global en deçà de 1,5°C. Au vu des impacts des changements climatiques prévisibles sur le territoire des Pays de la Loire, il est donc indispensable d’y compléter les mesures d’atténuation, par la définition et la mise en œuvre d’actions concrètes en faveur de l’adaptation.

I - Développer une culture du risque climatique

L’adaptation de la région aux impacts des changements climatiques dépend fortement de l’évaluation des risques, de leur précision géographique et de la mise en place de systèmes d’alertes.

Dans les Pays de la Loire, comme dans de nombreuses régions, le niveau de connaissance des risques liés aux changements climatiques est largement insuffisant au regard des enjeux réels, y compris sur les zones les plus exposées. Or, tout comme la mesure de risque est un préalable à l’action, la connaissance des enjeux est un préalable à l’évaluation du risque. Pour remédier à cette situation, le GIEC-PL propose que des actions de sensibilisation et d’éducation soient menées auprès des décideurs régionaux et des populations. Chaque habitant doit être en mesure de comprendre la réalité des changements climatiques en Pays de la Loire, et de mesurer son degré d’exposition aux risques.

Dans cette perspective, le GIEC-PL suggère qu’un guide soit publié à l’attention des communes et des organismes de formation, pour leur permettre de sensibiliser les citoyens aux risques auxquels ils peuvent être exposés sur le territoire de leur commune ainsi que, si possible, sur l’ensemble du territoire.

L’adaptation de la région aux impacts des changements climatiques étant fortement dépendante de l’évaluation des risques, de sa précision géographique et de la mise en place de systèmes d’alerte et de stratégies de réduction de risques ajustés aux réalités locales, le GIEC-PL suggère aussi qu’une plateforme soit créée pour y rassembler la géolocalisation, la nature, et le caractère essentiel des : bâtiments publics (mairies, crèches, écoles, collèges, lycées, ateliers municipaux…), des infrastructures et des actifs de production des entreprises ligériennes (usines, entrepôts, plateformes logistiques…).

En parallèle, il propose d’engager un plan de formation des élus et des services des collectivités à la gestion de crise face aux aléas climatiques (submersion, tempêtes…).

II - S'appuyer sur les écosystèmes

Quand ils sont en bonne santé, les écosystèmes jouent un rôle fondamental dans l’atténuation des changements climatiques.

Quand il sont en bonne santé, les écosystèmes tels que les forêts et les zones humides jouent un rôle fondamental dans l’atténuation des changements climatiques puisque, grâce à la photosynthèse, ils absorbent près de 7 % des émissions de CO2 générées sur le territoire. Plus globalement, ils constituent aujourd’hui les plus grands réservoirs naturels de carbone.

En même temps, ils contribuent à atténuer les événements extrêmes tels que tempêtes, inondations et canicules : ainsi, alors que les zones humides régulent les inondations ou protègent les ressources en eau lors des sécheresses, les espaces verts, eux, jouent un rôle important en période de canicules. Ils rafraîchissent la température de l’air en milieu urbain et améliorent sa qualité.

S’appuyant sur ces constats, le GIEC-PL recommande de relever le défi de l’adaptation aux changements climatiques dans les Pays de la Loire en s’appuyant prioritairement sur les écosystèmes. Les solutions fondées sur la nature ont un impact positif sur le bien-être humain et offrent une alternative économiquement viable, durable et souvent moins coûteuse à très long terme que des investissements technologiques ou la construction et l’entretien d’infrastructures [REF].

Dans cette perspective, le GIEC-PL suggère de :

◆ Préserver et restaurer les zones humides ainsi que les champs d’expansion des crues. Ces « infrastructures naturelles » peuvent très souvent remplacer les infrastructures artificielles ou être combinées avec ces dernières, et constituent des solutions de gestion des inondations moins coûteuses et plus durables tout en offrant des habitats naturels pour la faune et la flore aquatiques ; 

Reconnecter certains polders agricoles afin de restaurer des zones marnantes sur le littoral et dans l’estuaire, ce qui permettrait de reconstituer des écosystèmes intertidaux rendant d’innombrables services (contre les submersions, pour la biodiversité, pour l’amélioration de la qualité de l’eau…) ;

Accélérer la renaturation des milieux urbains [1] grâce, notamment, au développement d’espaces verts, au maintien ou à la création de milieux naturels et, dans une moindre mesure, au développement des toitures végétalisées car ils contribuent ensemble à lutter contre l’élévation des températures en milieu urbain et à améliorer la biodiversité de la faune et la flore ;

◆ Renforcer la protection et la stabilisation des dunes dont le maintien permet non seulement de fixer le sol et de dissiper la houle, mais aussi de contribuer à l’équilibre sédimentaire et de protéger les zones basses des submersions marines ;

◆ Restaurer et préserver les puits de carbone naturels (arbres, haies…) qui permettent à la fois d’absorber le CO2 rejeté dans l’atmosphère [2], d’améliorer la qualité des sols et de préserver la ressource en eau tout en offrant habitat et protection à la biodiversité.

III - Repenser l'aménagement du territoire

La région des Pays de la Loire affiche une forte dynamique d’étalement urbain, notamment à proximité de son littoral. Cette artificialisation des sols fragilise la biodiversité et accélère le recul des espaces agricoles et naturels, dont la préservation est une composante essentielle de la capacité d’adaptation du territoire. Elle augmente les risques d’inondation par l’imperméabilisation des sols, participe à l’accroissement des ilots de chaleur en milieu urbain, fragilise les constructions en raison des phénomènes de retrait-gonflement des argiles, et contribue à aggraver les risques de submersions marines et d’érosions côtières sur le littoral.

Illustrations - REPENSER L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
© Région des Pays de la Loire - Vigouroux-Perspective

En s’appuyant sur ces constats, le GIEC-PL recommande de :

Réduire le rythme d’artificialisation des sols, en travaillant sur les formes urbaines et en se concentrant sur le renouvellement urbain (friches, îlots dégradés, …) ;

◆ Réfléchir à des scénarios de redéploiement territorial dans les secteurs où les risques littoraux sont élevés à court et moyen termes ;

Accélérer la renaturation et la désimperméabilisation des sols urbains. Outre l’amélioration du cadre de vie, cette mesure contribue à réduire le ruissellement des eaux ; favorise la biodiversité en permettant le mouvement des espèces et la connexion des zones entre elles (trame verte) ; participe de la lutte contre les ilots de chaleur ; 

◆ S’inspirer des références « bioclimatiques » (climatisations naturelles), qui ont pour ambition de tirer profit des conditions environnementales disponibles sur le territoire (biodiversité, vent, soleil), afin d’offrir le meilleur confort de vie possible aux résidents. De ce point de vue, une attention particulière doit être portée aux foyers modestes pour améliorer le confort thermique de leurs logements en période de vagues de chaleur ou de froid ;

◆ Renforcer les travaux de recherche sur les matériaux de construction plus durables (de la production à la « valorisation-matière » qui inclut le recyclage), sur les matériaux naturels et biosourcés, ainsi que des modèles d’architecture et d’aménagement plus adaptés aux nouvelles conditions climatiques.

IV - Sécuriser la ressource et la production d’eau potable

Ensemble, les sécheresses et la pollution de l’eau dans la région mettent en évidence la nécessité de sécuriser l’approvisionnement en eau potable.

Malgré d’abondantes ressources en eau, la région des Pays de la Loire n’est épargnée ni par les sécheresses [REF] ni par la pollution de l’eau dont l’étendue atteint désormais un niveau inquiétant et met en évidence la nécessité de sécuriser l’approvisionnement en eau potable.

Pour parvenir à la préservation de la ressource en eau douce dans la région, le GIEC-PL recommande de :

Réaliser des études prospectives quant à l’évolution des usages et des besoins en eau potable (domestiques, agricoles, industriels) ; 

Réaliser un diagnostic de vulnérabilité des stations de pompage au regard des impacts des changements climatiques (niveau, débit, salinité, bouchons vaseux…) ; 

Limiter les consommations d’eau potable en encourageant une utilisation plus économe de l’eau et en faisant évoluer les process dans l’industrie (réutilisation des eaux usées ou des eaux de pluies) ; 

Réduire les fuites sur le réseau d’eau potable [REF] par un appui au diagnostic des réseaux puis à leur remplacement ou réparation ; par le développement de systèmes de détection de fuites en amont (des réseaux intelligents / équipements communicants) ;

Améliorer le niveau d’informations sur les conditions hydrogéologiques en temps réel (niveau de nappes d’eau souterraines…) ;

Généraliser les systèmes d’alerte précoce en cas de restrictions des usages de l’eau. Le système d’alerte EcoWatt [REF], utilisé pour informer la population sur les tensions sur le réseau électrique et réguler les consommations d’électricité pourrait inspirer la mise en place d’un dispositif similaire pour les ressources en eau.

V - Renforcer la robustesse des infrastructures et des réseaux

L’expérience des dernières années a montré que des phénomènes climatiques de grande ampleur (tempêtes, canicules, vagues de froid…) peuvent provoquer des perturbations importantes sur les réseaux allant jusqu’à l’interruption prolongée des flux et des services. Surtout, au-delà des désagréments qui en résultent pour les usagers, elle a aussi vérifié que de tels aléas climatiques dégradent progressivement les caractéristiques mécaniques, électriques et numériques des équipements dont les événements extrêmes diminuent la durée de vie.

Pour adapter le territoire à ces conditions, le GIEC-PL recommande d’entreprendre les actions suivantes :

◆ Sécuriser les équipements et les infrastructures et augmenter leur résilience face aux changements climatiques (enfouissement des réseaux électriques, de gaz et de communication, entretien plus régulier des abords des réseaux, déploiement de parafoudres sur l’ensemble des équipements…).

◆ Renforcer les travaux de recherche sur le comportement des matériaux et des structures aux nouvelles sollicitations pour, à la fois, prendre en compte l’augmentation des aléas (températures élevées sur des durées plus longues, effets de la houle et/ou des submersions temporaires…) et développer des solutions de construction ou de maintenance mieux adaptées.

Améliorer les délais de remise en service des réseaux défaillants grâce au développement de formations spécifiques pour les équipes de maintenance mais aussi à la mise en place d’un système de gestion intelligente (installation de capteurs, logiciels de mesure et d’action à distance, détection automatique des défauts, fonction d’« auto-cicatrisation » du réseau, adaptation rapide en cas de chutes d’arbres sur les voies de communication..).

◆ Diversifier les réseaux d’approvisionnement et de distribution (énergie, communication, eau).

Développer une offre de transports variée, alternative au tout-routier et créer des itinéraires bis pour les principaux axes de transports.

◆ Limiter les interdépendances entre réseaux (physiques, géographiques, logistiques et cybernétiques) pour réduire la vulnérabilité face au risque.

VI - Cartographier la vulnérabilité des filières économiques

Illustrations - CARTOGRAPHIER LA VULNÉRABILITÉ DES FILIÈRES ÉCONOMIQUES
© Photo de Mika Baumeister sur Unsplash

Avec les agriculteurs et éleveurs, les entreprises ligériennes sont particulièrement exposées aux risques climatiques qu’il s’agisse des risques directs (bâtiments, ressources humaines, production), des risques sur leur secteur d’activités (ex : activités très carbonées) ou des risques indirects liés à la vulnérabilité de leurs fournisseurs et de leurs clients. Or, pour faire face à la nécessité de prévenir et de s’adapter, de nombreux chefs d’entreprises ne disposent pas aujourd’hui des informations nécessaires à la gestion des risques voire à la redirection de certains emplois ou activités.

Pour parer cette difficulté, le GIEC-PL préconise de dresser un diagnostic précis et détaillé de la vulnérabilité des différentes filières économiques présentes sur le territoire aux différents risques climatiques (physiques, stratégiques et financiers) [REF]. Avec ce diagnostic, il s’agira notamment d’amener les entreprises à mesurer et prévenir les risques encourus en cas d’événements climatiques extrêmes, à questionner la durabilité de leurs approvisionnements et de leur production, à anticiper l’évolution des pratiques et exigences de leurs clients, et ainsi, à adapter leurs pratiques, production et/ou activités.

Compte tenu des particularités du territoire ligérien et des industries qui y sont présentes, le GIEC-PL suggère que ces études de vulnérabilité soient consacrées, en priorité, aux filières de l’agro-alimentaire, de la santé, du tourisme, de la pêche-aquaculture et de la construction. À chaque fois, elles devront fournir des pistes d’action pour renforcer la résilience de la filière dans son ensemble.

VII - Renforcer la résilience du système alimentaire

Compte-tenu de la diversité des exploitations et des situations, il est impossible pour le GIEC-PL de dresser ici une liste complète des mesures d’adaptation pour le secteur agricole. Toutefois, il recommande d’engager les actions suivantes :

◆ Accelérer la formation des agriculteurs aux enjeux relatifs aux changements climatiques et aux impacts de leurs différentes pratiques sur le climat, les ressources, la biodiversité, la pérennité de leurs exploitations ou sur la santé ; leur apporter un appui à la fois social et financier pour accompagner l’évolution de leurs pratiques, exploitations et modèles agricoles (changement de matériel, rencontres entre agriculteurs pour s’inspirer des bonnes pratiques, promotion de l’autoproduction d’énergie, développement de l’agroforesterie…).

Diversifier les assolements et développer des nouvelles pratiques culturales : mélanges prairiaux, rotations de cultures, valorisation de la période végétative, choix de variétés mieux adaptées au climat local et à son évolution, adaptation des calendriers…

◆ Développer des cultures sous abris pour les variétés sensibles aux aléas violents (maraichage, petits fruits, vignes) en privilégiant les techniques agrivoltaïques (les abris pouvant accueillir une couverture photovoltaïque importante).

Engager un programme de préservation, d’entretien et de plantation de haies bocagères, et développer des systèmes agroforestiers. Ces mesures contribueront autant à séquestrer le CO2 qu’à atténuer les effets des sécheresses estivales, protéger les animaux et les terres des vents froids, des inondations et de l’érosion et protéger la biodiversité locale.

◆ Protéger la ressource en eau, en facilitant son infiltration dans les sols, en développant des techniques d’irrigation économes (goutte à goutte), en préservant la reconstitution des nappes et leur qualité. Pour les scientifiques, le stockage de l’eau en surface dans les retenues pour faire face au déficit hydrique expose à des problèmes d’évaporation, de pollution, voire d’épuisement des nappes sur le long terme. En l’état des connaissances, le GIEC-PL recommande d’interdire la construction d’ouvrages de stockage de l’eau de grande dimension (méga-bassines) qui seraient remplis par pompage dans les nappes phréatiques [REF].

Adapter les bâtiments d’élevage et les modalités de transport du bétail aux fortes chaleurs en été pour préserver le bien-être animal et la productivité des exploitations [REF].

◆ Inciter les habitants à adopter des pratiques alimentaires plus adaptées aux évolutions climatiques en les invitant à tenir compte de l’impact de leur alimentation sur les modes de production (privilégier les produits locaux et de saison, réduire la consommation de viande…) et en les sensibilisant aux différents bénéfices que ces évolutions de régime alimentaire pourront apporter, que ce soit en termes écologiques, économiques ou de santé.

Réaliser une veille sanitaire pour surveiller et anticiper l’apparition de nouvelles pathologies en lien avec les changements climatiques (zoonoses, parasitoses, arboviroses).

VIII - Créer un fonds d’urgence climatique

Constatant que le montant des dommages liés aux changements climatiques va très fortement augmenter dans les Pays de la Loire et que d’ici à 2050, les assureurs calculent, par exemple, que le coût lié aux inondations par débordement pourrait progresser de 50 % à 75 % dans le Maine-et-Loire et la Sarthe, voire de 100 % à 150 % en Vendée et en Loire-Atlantique [REF], le GIEC-PL suggère la création d’un fonds d’urgence climatique.

Illustrations - CRÉER UN FONDS D’URGENCE CLIMATIQUE
© Photo de Wesley Tingey sur Unsplash

Inspirée du fonds territorial résilience que le Conseil régional avait créé pour aider les entreprises à faire face à la crise sanitaire, cette épargne de précaution aurait pour vocation de :

◆  Canaliser les financements publics vers les territoires et les filières les plus vulnérables.

◆  Éviter aux acteurs locaux de s’endetter en cas d’évènements imprévus.

◆  Inciter les entreprises, par le biais d’aides ponctuelles, à mettre en place des programmes spécifiques d’assurance pour faire face, par exemple, aux risques de gel tardif d’échaudage ou de pénurie de fourrage, et les aider ainsi à devenir plus résilientes à court terme, en attendant que l’évolution des pratiques se généralisent et pèsent moins sur la collectivité.

[1] En ce qui concerne la végétalisation des milieux urbains, une attention particulière devra être portée sur le choix des espèces utilisées, et son adaptation aux évolutions climatiques futures.

[2] Pour illustrer ce propos :

  • À l’échelle globale, les volumes de carbone séquestrés dans les sols et les forêts sont 3 à 4 fois supérieurs aux quantités de carbone stockées dans l’atmosphère. [REF] 
  • L’estimation de la séquestration carbone.  [REF]
  • Depuis les années 1980, l’océan mondial a absorbé 20 % à 30 % des émissions anthropiques globales de CO2. [REF]